4 nouveaux pulsars milliseconde détectés en rayons gamma grâce aux observations chronométriques de Nançay

Depuis l’été 2008, le Large Area Telescope, un télescope gamma embarqué par le satellite Fermi de la NASA, enregistre le rayonnement gamma d’énergie comprise entre 30 MeV et plus de 300 GeV provenant de toutes les directions du ciel, avec une sensibilité qui n’avait jamais été atteinte. En bientôt huit ans d’observation du ciel gamma depuis sa mise en service, le LAT a révolutionné nos connaissances sur le rayonnement gamma des pulsars, étoiles à neutrons fortement magnétisées et en rotation rapide.
En effet, si moins de dix pulsars gamma étaient connus avant le lancement de Fermi, ce sont maintenant plus de 200 pulsars qui sont détectés à ces énergies extrêmes. À l’instar des 2500 pulsars connus à l’heure actuelle à travers les observations faites sur tout le spectre électromagnétique, cette population de 200 pulsars émetteurs de rayons gamma de haute énergie comprend plusieurs grandes familles : une moitié de pulsars « jeunes » (dont les âges varient de quelques milliers à millions d’années) et une autre moitié de pulsars dits « milliseconde » car effectuant des centaines de rotations sur eux-mêmes chaque seconde, et qui sont des pulsars anciens dont la rotation a été accélérée par l’accrétion de la matière et du moment cinétique d’une étoile gravitant autour. Dans la majorité des cas, la détection de pulsations gamma avec le LAT nécessite l’utilisation « d’éphémérides » de pulsars donnant avec une grande précision la période de rotation des pulsars en fonction du temps, et permettant ainsi de positionner les rares photons gamma dans le « profil d’émission » (voir figure 1). Le grand radiotélescope décimétrique de Nançay (NRT) est justement impliqué dans un programme mondial de chronométrie de pulsars en soutien de la mission Fermi, et fournit des éphémérides de pulsars permettant d’analyser les données LAT avec la plus grande sensibilité.

Figure1
Intensité de l’émission gamma (en bleu) et radio (en rouge) en fonction de la phase rotationnelle pour les quatre pulsars milliseconde détectés par le LAT, J0740+6620, J0931-1902, J1455-3330 et J1730-2304. Les courbes d’intensité radio en rouge ont été obtenues par observation avec le grand radiotélescope décimétrique de Nançay. La phase rotationnelle correspond à la fraction de tour du pulsar sur lui-même, et deux rotations complètes sont représentées sur ces diagrammes. Figure issue de l’article Guillemot et al. (2016).

L’article Guillemot et al. (2016) présente la détection de quatre nouveaux pulsars milliseconde par l’analyse de sept ans de données du LAT et avec l’appui nécessaire d’éphémérides pour ces pulsars, produites par chronométrie radio effectuée au NRT. Nommés J0740+6620, J0931-1902, J1455-3330 et J1730-2304, ces pulsars figurent parmi les moins brillants en rayons gamma détectés par le LAT à ce jour. Le pulsar J1730-2304 est d’ailleurs à l’heure actuelle le pulsar le moins énergétique vu par le LAT, c’est-à-dire celui qui dispose du plus petit réservoir d’énergie à convertir en rayonnement gamma. Plus généralement, les observations chronométriques du NRT effectuées sur plusieurs années ont permis d’affiner nos contraintes sur le budget énergétique et la distance d’une population de pulsars milliseconde vus par le LAT en rayons gamma, et ainsi de clarifier la relation entre luminosité gamma et budget énergétique total des pulsars. L’expérience montre que les pulsars convertissent une très grande partie de leur budget énergétique en rayonnement gamma : typiquement, de quelques pourcents jusqu’à la totalité du réservoir est converti en rayonnement de haute énergie. Cependant, pour les pulsars milliseconde la relation exacte entre les deux quantités reste à préciser, et particulièrement pour les objets les moins énergétiques. Cette étude et celles qui suivront ont une grande importance pour les simulations de rayonnement gamma par les milliers de pulsars « inconnus » de la Voie Lactée : en effet, plus les pulsars convertiront efficacement leur réserve d’énergie en émission de photons gamma, plus ils contribueront au fond diffus de rayonnement gamma de la Galaxie.

Lucas Guillemot

Auteurs :
L. Guillemot1,2, D. A. Smith3, H. Laffon3, I. Cognard1,2, G. Theureau1,2,4, et al.

1 – Laboratoire de Physique et Chimie de l’Environnement et de l’Espace, Orléans
2 – Station de Radioastronomie, Nançay
3 – Centre d’Études Nucléaires de Bordeaux Gradignan, Gradignan
4 – Laboratoire Univers et Théories, Meudon

Contact : Lucas Guillemot

Références :
Guillemot et al. 2016, A&A 587, 109 (article présenté ici)
http://www.aanda.org/articles/aa/abs/2016/03/aa27847-15/aa27847-15.html
Abdo et al. 2013, ApJ Suppl. 208, 17 (deuxième catalogue de pulsars gamma détectés par le Fermi Large Area Telescope)
https://confluence.slac.stanford.edu/display/GLAMCOG/Public+List+of+LAT-Detected+Gamma-Ray+Pulsars (liste des pulsars détectés par le Fermi Large Area Telescope)