Radiotélescope décimétrique

Description

Le radiotélescope se compose d’un miroir plan orientable (200m x 40m) dont le rôle est de réfléchir les ondes vers le miroir sphérique (300m x 35m) qui les renvoie vers le chariot focal, au centre, où elles sont collectées par des récepteurs refroidis entre 1 et 3.5GHz.

Inauguré le 15 mai 1965 par le Général de Gaulle, il est maintenant le quatrième plus grand radiotélescope au monde.
Cet instrument, initialement construit pour l’observation du gaz hydrogène et constamment amélioré depuis, observe des galaxies, des enveloppes d’étoiles, des comètes et chronomètre maintenant beaucoup de pulsars …

Domaine de fréquences : 1,060 GHz à 3,500 GHz

Contact : I. Cognard , B. Da Silva

Caractéristiques techniques

Les réflecteurs


Le premier réflecteur plan se compose de 10 panneaux indépendants de 20m de large et 40m de haut. La masse de chacun est de 40 tonnes, quand celle de la structure qui les porte est de 250 tonnes.
Orienté plein sud, ces miroirs sont entrainés par des moteurs électriques et positionnés avec une précision de 1/2 minute d’arc.
Pour éviter des dégradations, les 10 miroirs sont placés en position horizontale et le radiotélescope est arrêté lorsque le vent dépasse 15m/s.


Large de 300m, le second réflecteur est totalement fixe, et sa forme ne s’écarte pas de plus de 5 mm de celle d’une sphère de rayon 560 m.
Le premier miroir plan éclaire 200m de large du miroir fixe, glissant au cours d’une observation pour permettre un suivi d’environ 1 heure.
La masse de la charpente du miroir fixe avoisine les 750 tonnes et il est en charge de concentrer les ondes radio.

Le chariot focal et ses antennes


Les antennes qui recueillent les ondes doivent, pour suivre la source étudiée, être positionnées à quelques millimètres près. Pour cela, le chariot qui les porte roule sur une voie ferrée, de 80 m de long et courbe pour épouser la forme de la surface focale, où se forme l’image des astres observés.

Il supporte un ascenseur qui permet un mouvement vertical de 1m, et sur lequel sont fixées les antennes. Tous les mouvements sont hydrauliques et controlés par des ordinateurs situés dans le laboratoire focal placé maintenant à l’écart.


Les deux récepteurs permettent de capter deux bandes de fréquences adjacentes, l’une entre 1 et 1.8GHz (incluant la raie de l’hydrogène à 21 cm de longueur d’onde), la seconde entre 1.7 et 3.5GHz.

Les ondes se propagent d’abord dans un guide d’onde en forme de cornet pour arriver sur les antennes proprement dites et y être transformées en signaux électriques.

Les récepteurs

Les signaux radio reçus sont extrêmement faibles : typiquement, un milliard de milliards de fois plus faibles que ceux reçus par un téléviseur. Pour limiter la dégradation du signal, les premiers amplificateurs, situés sur le chariot, sont refroidis par un réfrigérateur à hélium à très basse température : 10 °K (soit -260 degrés Celsius).

L’ensemble du récepteur est également piloté par les ordinateurs de commande et de contrôle. La précision des mesures de fréquences radio est assurée par une ‘horloge atomique’ au rubidium (précision de 1000 milliardièmes).

L'analyse des signaux

Une partie des études effectuées au radiotélescope nécessite la mesure du “spectre” du signal reçu, c’est-à-dire la répartition de l’énergie en fonction de la fréquence. Pour cela, on découpe le signal en bandes de fréquence contiguës, plus ou moins larges, anciennement par des filtres électroniques, puis par une instrumentation appelée ‘autocorrélateur’, pour évoluer aujourd’hui vers une solution entièrement numérique, où le signal est échantillonné à haute cadence avant d’être traité dans un ensemble de calculateurs hybrides (processeurs, cartes graphiques).

Pour l’observation des pulsars, une instrumentation spéciale a été construite pour enlever en temps réel l’effet perturbatif du milieu interstellaire et empiler régulièrement les impulsions radio reçues de ces astres particuliers.

Programmes scientifiques

Les pulsars

A la fin de sa vie, une grosse étoile explose, c’est la “supernova” qui éjecte une bonne partie de sa matière. Le coeur s’est effondré pour former une petite étoile uniquement constituée de neutrons tournant très vite sur elle-même. Elle émet deux faisceaux étroits de rayonnement radio et si la Terre est bien placée, elle reçoit à chaque tour une impulsion brève. On en connaît presque trois mille.

De part leur histoire particulière, quelques centaines de pulsars présentent une période de rotation beaucoup plus petite, de l’ordre de quelques millisecondes seulement. Avec des impulsions radio extrêmement étroites, la datation de leur temps d’arrivée peut atteindre 20 nanosecondes seulement. Ces temps d’arrivée sont perturbés par de nombreux phénomènes que l’on peut ainsi étudier.
Le milieu interstellaire n’est ni vide ni homogène et les aléas de propagation observés permettent d’étudier sa turbulence.
Tout mouvement du pulsar sera détecté et mesuré précisément par effet Doppler, c’est ainsi que les premières réelles planètes extrasolaires ont été découvertes orbitant autour d’un pulsar.
Certains pulsars sont dans des systèmes compacts à deux étoiles qui rendent détectables les effets subtils de la Relativité Générale.
Enfin, l’observation régulière d’un ensemble de pulsars ultra-stables bien répartis sur le ciel devrait permettre de mesurer les lentes déformations de l’espace temps produites par la spirale de systèmes de deux trous noirs supermassifs (10 milliards de masse solaire) orbitants l’un autour de l’autre au centre des grosses galaxies proches.

Les galaxies et la cosmologie

Les galaxies sont de gigantesques amas d’étoiles, de poussière et de gaz. Elles contiennent en moyenne 100 milliards d’étoiles comme notre Soleil et leurs diamètres s’échelonnent entre 30000 et 150000 années-lumière.

A Nançay, on s’intéresse plus particulièrement au contenu gazeux de ces objets : l’hydrogène neutre qui peuple le disque des galaxies spirales émet en effet un rayonnement radio correspondant à une longueur d’onde de 21 cm.

L’observation de cette “raie d’émission” apporte de nombreuses informations comme :

la distribution de l’hydrogène dans les galaxies (et c’est à partir de ce gaz que se forment les étoiles) ;
la masse totale d’hydrogène ;
la cartographie du champ des vitesses dans le disque : étude dynamique, interprétation des déformations en termes d’effet de marées dûs à la présence de “matière noire” (c’est-à-dire invisible car non lumineuse) ou de galaxies voisines ;
la vitesse du système dans son ensemble par rapport à nous ;
– une estimation de la masse totale de la galaxie, donc de sa luminosité intrinsèque, et finalement de sa distance.

La cosmologie est l’étude de l’Univers dans son ensemble : de sa structure, de son évolution, de son histoire.

L’Univers est peuplé de galaxies comparables à notre Voie Lactée. Celles-ci se regroupent en amas, en filaments ou en gigantesques murs, qui sont les plus grandes structures aujourd’hui connues.

C’est Hubble qui apporta la preuve, vers 1930, que les galaxies étaient des objets très éloignés, extérieurs à la Voie Lactée. Il montra aussi que l’Univers est en expansion.

Dans le même temps, Einstein élaborait une nouvelle théorie de la gravitation, la relativité générale, apte à décrire le contenu et l’évolution de l’Univers tout entier.

La connaissance des vitesses particulières des galaxies et de leurs distances est essentielle pour la cosmologie.

Le calcul du taux d’expansion de l’Univers H0, permet de fixer son âge limite.

L’étude de la distribution spatiale des galaxies et la mise en évidence de leurs mouvements systématiques permet d’estimer la densité moyenne de l’Univers et de comprendre la formation des grandes structures.

Les mesures en raie 21 cm (raie d’émission de l’hydrogène neutre contenu dans le disque des galaxies spirales) à Nançay ont permis de connaître la vitesse radiale et d’estimer la masse de plus de 8000 galaxies.

En outre, ces observations radio ont permis aussi de compléter dans la zone d’obscurcissement, due à notre Voie Lactée, notre connaissance de la répartition des amas de galaxies et des vides, et de mettre en évidence de nouvelles concentrations comme le riche amas de la Poupe.

Les comètes

C’est en 1973 qu’eut lieu la première détection d’une comète en ondes radio : les raies à 18 cm de longueur d’onde du radical OH étaient observées simultanément avec le radiotélescope de Nançay et par le radiotélescope de 42 m de Green Bank, aux Etats-Unis d’Amérique.

Par la suite, l’observation systématique des raies à 18 cm de OH a été entreprise au radiotélescope de Nançay sur plus de cent cinquante comètes, et continue encore aujourd’hui.

L’apport de ces observations est multiple. Elles permettent de mesurer l’activité gazeuse des comètes, car le radical OH provient de la dissociation de la molécule d’eau par les photons UV du soleil, molécule d’eau qui représente 80% de la matière volatile qui s’échappe des noyaux des comètes. Cette activité a d’ailleurs pu être corrélée avec les mesures de magnitude visuelle effectuées régulièrement par les astronomes amateurs.

Par ailleurs, la grande résolution spectrale (capacité de discerner deux fréquences très proches) obtenue par les techniques radio a permis de mesurer la vitesse d’expansion du gaz, et de la corréler avec l’activité de la comète ainsi qu’avec sa distance au soleil.

Les enveloppes d'étoiles

Les étoiles Miras, dont le type est la célèbre Mira Ceti, ainsi que les étoiles infrarouges appelées “objets OH/IR”, sont des géantes rouges, de masse comprise entre 1 et 10 fois la masse du Soleil, et dont la luminosité varie cycliquement avec une période de 200 à 2000 jours.

Contrairement au Soleil, elles arrivent à la fin de leur vie et tirent leur énergie des transformations nucléaires de l’hydrogène en hélium et de l’hélium en carbone et oxygène, dans deux couches concentriques.

Ces étoiles se métamorphoseront en nébuleuses planétaires et en naines blanches.

Une Mira éjecte un vent froid et dense de gaz et de poussières, qui lui fait perdre 0,3 à 3 fois la masse du Soleil par million d’années, c’est-à-dire très rapidement !

L’étoile, dont le rayon atteint déjà la distance Terre-Soleil, s’entoure ainsi d’une enveloppe “circumstellaire” mille fois plus grande, où se forment de nombreuses molécules.
Certaines produisent une forte émission radio, une des principales étant le radical hydroxyle OH, dont on étudie à Nançay le rayonnement “maser” (l’équivalent radio du laser optique) à 18 cm de longueur d’onde.
L’analyse de l’émission OH renseigne sur la structure et le mouvement de la matière dans l’enveloppe, sur sa densité, sa température, sa chimie.
On étudie la variation cyclique du rayonnement, et les éruptions soudaines découvertes récemment.
On cherche à comprendre comment la Mira éjecte la matière et à quel stade de sa vie elle en est arrivée.
Plusieurs centaines d’étoiles de ce type ont déjà été observées à Nançay.

Observer au radiotélescope.