Radiohéliographe

Description

Cet instrument est un réseau d’interféromètres. Il est composé de 47 antennes réparties en deux branches perpendiculaires formant un « T » : 19 antennes en Est-Ouest réparties sur 3200m et 25 antennes paraboliques réparties en Nord-Sud sur 2440 m (avec une antenne en commun entre les deux réseaux) et quatre petites antennes supplémentaires en dehors des axes est-ouest et nord-sud. Cet instrument fait des images de la couronne solaire à différentes fréquences entre 150MHz et 450MHz.
Chaque antenne est motorisée pour suivre le soleil pendant 7 heures par jour. La corrélation des signaux enregistrés par des couples d’antennes permet de reconstituer une image « radio » de la couronne solaire et des sources sporadiques qui apparaissent notamment lors des éruptions.
L’intérêt de combiner des antennes en réseau réside dans la résolution spatiale. Elle dépend de l’étendue de l’instrument. Plus l’instrument est étendue, plus de détails peut-on voir sur l’objet observé. La ligne de base maximale de 3200 mètres dans la direction est-ouest et de 2440 mètres dans la direction nord-sud donne un pouvoir séparateur de 2,1 minutes d’arc (est-ouest) sur 2,8 minutes d’arc (nord-sud) à 150 MHz, et trois fois moins à 450 MHz. Il est néanmoins réduit en imagerie 2D.

Domaine de fréquences : 150 – 450 MHz

Contact : L. Klein , C. Fabrice

Caractéristiques techniques

Les antennes

Une antenne transforme l’onde radio qui arrive de l’espace en une tension qui se propage soit dans un guide d’onde, soit dans un câble. Au Radiohéliographe de Nançay, cette opération est effectuée par des dipôles. Selon les antennes, les dipôles sont le seul dispositif ou bien ils sont montés près du foyer d’une parabole, dont le rôle est d’augmenter l’énergie reçue.
Les 19 antennes du réseau est-ouest comprennent quatre paraboles (deux de 10 m de diamètre, une de 7,50 m, une de 5 m) et 15 antennes “lunettes”. Les antennes lunette sont des dipôles épais et repliés, sensibles à une gamme de fréquences chacun. Deux dipôles, de tailles différentes, couvrent la gamme 150-450 MHz. Les dipôles des antennes lunettes sont montés devant une grille qui empêche l’entrée du rayonnement depuis la direction opposée au Soleil. Ce rayonnement vient du sol et de l’électronique des laboratoires et est donc une perturbation du rayonnement solaire capté.
Les 25 antennes du réseau nord-sud sont des paraboles de 5 m de diamètre. Ces antennes sont plus sensibles que les antennes lunette du réseau est-ouest, puisqu’elles collectent tout le rayonnement capté par la parabole, au lieu du seul rayonnement passant par les dipôles repliés des antennes lunette. La parabole concentre le rayonnement capté dans son foyer. Deux jeux de dipôles orthogonaux sont montés près du foyer. Comme dans le cas des antennes lunette, deux dipôles de tailles différentes couvrent la gamme 150-450 MHz. Les dipôles orthogonaux permettent de mesurer la polarisation circulaire des ondes radio incidentes.
Pour améliorer la qualité de l’image, le Radiohéliographe comprend de plus quatre petites antennes en dehors des lignes de base est-ouest et nord-sud. Ces antennes sont simples. Elles consistent chacune en un ensemble de dipôles linéaires, de différentes longueurs pour couvrir la bande 150-450 MHz.

Le récepteur

Le récepteur est composé de trois baies, réalisant chacune des traitements différents sur les signaux arrivant des 48 antennes. La baie n°1 du MFRH (moyenne fréquence radio-héliographe) permet de mettre en forme les signaux analogiques issues des antennes. Le signal est tout d’abord amplifié, puis filtré. En cas de fort parasite ou d’activité solaire, un atténuateur se déclenche automatiquement afin de recadrer la dynamique du signal. Un changement de fréquence est ensuite effectué, avant l’envoi du signal utile vers les baies n°2 et 3. La baie n°2 du MFRH permet de détecter la puissance reçue dans les antennes. Le signal est tout d’abord amplifié, puis filtré. Un détecteur permet de synthétiser une tension continue proportionnelle à la puissance du signal d’antenne reçu. La tension continue est ensuite intégrée, puis envoyée vers un numériseur 16 bits.
La baie n°3 contient un numériseur et un corrélateur numérique. La première partie permet d’échantillonner sur 1 bit chaque signal d’antenne. Une mesure séparée de la puissance dans la fréquence intermédiaire est nécessaire pour calculer les visibilités à partir des corrélations. Les signaux sont ensuite démodulés pour obtenir des signaux pour chaque polarisation (horizontale et verticale). Les données multiplexées rentrent dans le corrélateur numérique, combinant les signaux des antennes pour former les différentes lignes de base.

Le corrélateur est réalisé en circuit FPGA, dont la sortie est un bloc de données datées qui est transmis à l’ordinateur de contrôle. Chaque bloc correspond à une fréquence d’observation. L’ancien corrélateur, en opération jusqu’au Janvier 2015, ne fournissait que 648 corrélations. Il a été remplacé par un nouveau corrélateur capable de faire toutes les corrélations possibles entre les antennes (1128 corrélations).
Les sorties du récepteur (corrélations et mesure de la puissance) sont transmises à un ordinateur en temps réel. Cet ordinateur a deux fonctions principales. La commande du récepteur et l’acquisition des données, y compris les calculs en temps réel. Ces calculs comprennent l’arrêt des franges, le calcul et l’étalonnage des produits de corrélation des antennes (aussi appelés “visibilités”), l’intégration et l’enregistrement de données sur disque.

Les images brutes 1D (coupes selon les axes terrestres est-ouest et nord-sud) et 2D sont également calculées et affichées en temps réel à faible vitesse afin de contrôler le bon fonctionnement de l’ensemble du système et de permettre une interaction scientifique en temps réel.
Un mode d’observation standard a été défini. L’ensemble des visibilités est utilisé pour calculer des images 2D. La quantité totale de données est de l’ordre de 5 Go par jour pour une durée d’observation de 7,5 heures. Les fréquences sont choisies de manière à couvrir au mieux le spectre de 150-450 MHz. Le choix dépend des propriétés du rayonnement solaire, mais surtout de la question à savoir si à une fréquence donnée un puissant émetteur terrestre existe, qui occultera l’émission du Soleil.

Les signaux

Pour pouvoir combiner les signaux de deux antennes, il faut les transmettre au corrélateur par des liaisons stables. Le moindre changement de longueur des câbles serait par la suite interprété comme un changement dans la direction d’arrivée des ondes radio. Les liaisons sont assurées par des câbles coaxiaux enterrés. Un instrument comme le Radiohéliographe comporte des dizaines de kilomètres de câbles enterrés. La longueur de ces câbles varie, dû aux changements de la température. Ces changements sont lents, et une calibration hebdomadaire suffit à corriger les erreurs qu’ils introduisent.
Pour des raisons d’économie, les différentes fréquences d’observation ne sont pas transmises simultanément. Le Radiohéliographe change sa fréquence d’observation toutes les 5 millisecondes. Seule une bande de fréquences étroite est transmise dans les câbles.

Les données

L’ordinateur de contrôle et d’acquisition assure de nombreuses fonctions, comme la calibration des corrélations, leur intégration temporelle, et le blocage de frange, que l’on peut considérer comme un suivi électronique du mouvement apparent du soleil au cours de la journée.

Une observation standard a une durée de 7 heures, centrée sur l’heure de passage du soleil au méridien de Nançay. Elle comprend des corrélations intégrées à 125 ms pour 10 fréquences d’observation.

Les données sont archivées sur le site de l’Observatoire de Nançay. Un jeu de données intégrées (10 sec) est envoyé à l’Observatoire de Paris-Meudon pour être immédiatement disponible en ligne (base de données BASS2000, site Radio Monitoring).

Comme la plupart des observations solaires, elles sont librement accessibles, et les logiciels de traitement sont téléchargeables, comme c’est le cas de nombreuses observations solaires spatiales au niveau mondial.
Les données brutes à haute résolution temporelle sont disponibles sur la base de données radio solaire de Nançay.

Programmes scientifiques

Le rôle du Radiohéliographe

L’intérêt scientifique des recherches sur l’atmosphère solaire, ses variations et leur influence sur l’environnement spatial de la Terre a suscité un effort international fondé sur de nouvelles observations du Soleil. La recherche s’organise autour de grandes missions spatiales dédiées à l’observation du Soleil et aux mesures, dans l’espace interplanétaire, du vent solaire, des particules (protons, électrons, ions) de haute énergie et des structures magnétiques éjectées de la couronne solaire. Le Radiohéliographe a accompagné, jusqu’en 2015, les sondes comme Ulysse (ESA) et SOHO (ESA/NASA), Yohkoh (JAXA), Wind et ACE (NASA), puis STEREO et Solar Dynamics Observatory (NASA). Le rôle du Radiohéliographe est d’acquérir des données que ces sondes spatiales n’observent pas, et d’en faire bénéficier la communauté scientifique internationale pour des études conjointes. Il s’agit d’une part d’informations sur la couronne solaire calme. Le Radiohéliographe complémente ici les données d’imagerie en lumière blanche (coronographes), EUV et rayons X. Puis d’observations de phénomènes énergétiques lors des éruptions: faisceaux d’électrons énergétiques, électrons piégés dans le champ magnétique coronal, ondes de choc. Ces phénomènes ont des signatures qui ne sont visibles qu’en ondes radio.

Le Radiohéliographe de Nançay reste le seul instrument au monde à cartographier de façon régulière la couronne solaire à des altitudes jusqu’à un demi-rayon solaire au-dessus de la surface. Ce sont des régions que les particules énergétiques et les éjections coronales de masse doivent traverser sur leur chemin vers l’espace interplanétaire. Disposer de ces observations radio donne un élément de plus à l’étude et la compréhension des processus qui couplent la couronne solaire à l’espace interplanétaire et à l’environnement spatial de la Terre. Le Radiohéliographe de Nançay est donc impliqué dans les missions solaires et interplanétaires des années à venir, notamment Parker Solar Probe (NASA), en route vers le Soleil, et Solar Orbiter (ESA/NASA), lancé en février 2020.

Le Soleil calme

La couronne solaire est un gaz chaud et dilué entourant le corps du Soleil que nous voyons en lumière visible. L’image ci-jointe a été prise par le Radiohéliographe de Nançay à la fréquence de 432 MHz. L’intensité reflète essentiellement la densité des électrons: il y a plus d’électrons dans les régions brillantes, moins dans les régions sombres. La couronne solaire a une forme irrégulière, ce qui la distingue clairement de la sphère visible du Soleil. La raison est le champ magnétique. Il peut confiner le gaz chaud à certains endroits et le laisser s’échapper à d’autres.
On voit notamment une région sombre étendue, un trou coronal, où la densité des électrons est faible, puisque la matière peut s’échapper vers l’espace interplanétaire. Les trous coronaux sont les sources du vent solaire rapide (600-800 km/s). Les images radio prises à plusieurs fréquences d’observation permettent de mesurer la densité et la température des électrons dans la couronne solaire.

Les éjections coronales de masse

Le champ magnétique du Soleil n’est pas ancré dans une barre de fer immuable, mais dans un gaz en mouvement. Sous l’effet des mouvements du gaz dans et au-dessous de la couche visible du Soleil, le champ magnétique dans la couronne peut devenir instable, parfois au point d’être éjecté du Soleil. L’animation ci-jointe montre l’émission radio lors d’un tel événement: on voit une source localisée, si brillante que l’image de la couronne calme devient invisible. La source s’élève dans la couronne, puis disparaît, en laissant deux sources au-dessous. Cette séquence observée montre que des électrons sont accélérés à de grandes vitesses, piégés dans une structure magnétique qui monte dans la couronne (et finira par être éjectée), alors que d’autres électrons continuent à être accélérés dans la couronne sous-jacente. On voit de telles éjections de masse dans les images des coronographes embarqués sur des sondes spatiales.
L’observation radio apporte l’information sur l’accélération des électrons dans la région perturbée par le déclenchement et le passage de l’éjection de masse, ce qui permet d’étudier comment la couronne retrouve un équilibre après un tel événement violent et comment des électrons sont accélérés à de hautes énergies.

Mise à disposition des données

Les données intégrées à 10 secondes, les données haute résolution temporelle (de 0.125 à 0.250 sec) sont disponibles sur Radio Solar Database @ Nançay (RSDB).

Pour une revue détaillée de l’activité solaire, jour après jour, entre juillet 1996 et janvier 2015, puis de nouveau depuis janvier 2021, consulter le site “Radio Monitoring“.

Visualisation en temps réel :
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Radio Solar Database @ Nançay (RSDB) :
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