Sursauts radio: de Jupiter aux étoiles / Radio bursts: from Jupiter to the stars

Les résultats combinés de deux articles récents illustrent comment les études des émissions radio de Jupiter peuvent se transposer aux systèmes stellaires. Mauduit et al. [1] ont développé une nouvelle méthode de détection de sursauts radio de Jupiter dérivant dans le plan temps-fréquence. Appliquée aux données à haute résolution du Réseau Décamétriques de Nançay, elle a permis de découvrir des sursauts liés aux aurores Joviennes et d’autres induits par l’interaction de Ganymède avec Jupiter. Ces sursauts permettent d’étudier l’accélération des électrons près de Jupiter. En parallèle, Zhang et al. [2] ont découvert à l’aide du radio télescope FAST des sursauts analogues émis par l’étoile active AD Leo, interprétables par analogie avec les résultats obtenus sur Jupiter.

La détection de sursauts radio dérivant dans le plan temps-fréquence est un moyen puissant d’étudier à distance les processus d’accélération des électrons dans les plasmas astrophysiques. On sait depuis 50 ans que de tels sursauts sont produits par l’interaction entre Jupiter et son satellite Io.

Un nouvel algorithme de détection a permis de découvrir en outre, via l’analyse de données temps-fréquence massives enregistrées par le Réseau Décamétrique de Nançay, des sursauts similaires provenant de l’interaction Ganymède-Jupiter et des aurores polaires Joviennes [1].

L’accélération des électrons fait intervenir des oscillations magnétiques appelées « ondes d’Alfvén ». Ce mécanisme, potentiellement universel, est alimenté par le mouvement de Io, de Ganymède ou du plasma magnétosphérique à travers le champ magnétique de Jupiter en rotation rapide.

En parallèle, des observations très sensibles avec le radio télescope géant chinois FAST ont permis de découvrir des sursauts radio en provenance de l’étoile active AD Leonis [2]. Si les fréquences, intervalles entre sursauts, intensités, sens et vitesse de dérive dans le plan temps-fréquence sont différents, la morphologie, le caractère discret, dérivant, quasi-périodique (et même la polarisation, fortement circulaire) des sursauts stellaires sont remarquablement similaires à ceux de Jupiter.

L’expérience acquise sur Jupiter suggère dans le cas d’AD Leo le même mécanisme d’émission radio, alimenté par des électrons d’énergie modeste (≤ 20 keV), accélérés par des ondes d’Alfvén résultant de l’interaction de l’étoile avec son vent de plasma massif ou avec un compagnon planétaire.

La figure illustre et compare les sursauts radio de Jupiter (b) enregistrés entre 11 et 13.5 MHz par (a) le Réseau Décamétrique de Nançay (NDA) avec son récepteur haute résolution Juno-N, et les sursauts radio d’AD Leonis (e) observés entre 1290 et 1470 MHz par le radiotélescope géant chinois FAST (d). Les deux types de sursauts révèlent une forte polarisation circulaire, suggérant un même mécanisme d’émission lié au mouvement cyclotron (hélicoïdal) d’électrons dans le champ magnétique de l’objet. La différence de fréquences s’explique par l’amplitude du champ magnétique d’AD Leo environ 100 fois supérieure à celle de Jupiter, qui explique aussi les dérives temps-fréquence beaucoup plus rapides pour AD Leo (500 à 900 MHz/s) que pour Jupiter (-10 à -20 MHz/s), même si les électrons à l’origine des émissions ont des énergies similaires (quelques keV). Les dérives positives observées pour AD Leo impliquent que ces électrons se déplacent vers l’étoile. Les dérives négatives observées pour Jupiter indiquent des électrons réfléchis magnétiquement et « remontant » les lignes de champ magnétique de Jupiter (flèches jaunes sur les panneaux (c) & (f)). Les flux radio détectés pour Jupiter (millions de Jansky) sont très supérieurs à ceux détectés pour AD Leo (<0.1 Jansky), du fait de l’énorme différence de distance entre ces objets et la Terre (~5 Unités Astronomiques pour Jupiter, ~5 parsecs pour AD Leo, avec 1 parsec = 200000 UA), sachant que le flux décroît comme l’inverse du carré de la distance. Mais le flux intrinsèque des sursauts d’AD Leo est en fait 100 à 1000 fois plus élevé que celui des sursauts de Jupiter. Le caractère discret et quasi-périodique des sursauts suggère une accélération des électrons par des ondes d’Alfvén (oscillations magnétiques). Ces deux articles sont un premier exemple de la manière dont les mécanismes et scenarii physiques élaborés pour un objet du système solaire peuvent être extrapolés et transposés à des sources astrophysiques plus lointaines et inaccessibles.

Sources et copyrights

(a) Réseau Décamétrique de Nançay (NDA, © ORN). (b) Observation NDA/Juno-N fournie par L. Lamy. (c) Schéma adapté de la Fig. 3 de Szalay et al., Geophys. Res. Lett. 49, e2022GL098111, 2022, https://doi.org/10.1029/2022GL098111. (d) https://apod.nasa.gov/apod/image/1609/DaiFAST_1500.jpg. (e) Figure adaptée de la Fig. 1 de [2]. (f) Vue d’artiste d’une étoile naine (© ASTRON/Danielle Futselaar).


Références :

[1] Emilie Mauduit, Philippe Zarka, Laurent Lamy, & Sébastien Hess, Drifting discrete Jovian radio bursts reveal acceleration processes related to Ganymede and the main aurora, Nature Communications, sous presse.

[2] Jiale Zhang, Hui Tian, Philippe Zarka, Corentin Louis, Hongpeng Lu, Dongyang Gao, Xiaohui Sun, Sijie Yu, Bin Chen, Xin Cheng, & Ke Wang, Fine structures of radio bursts from flare star AD Leo with FAST observations, The Astrophysical Journal, 953 :65, 2023. https://doi.org/10.3847/1538-4357/acdb77

 

Emilie Mauduit, Philippe Zarka, Laurent Lamy, Corentin Louis sont membres du LESIA.

 

Dernière mise à jour le 8 Septembre 2023.

Radio bursts: from Jupiter to the stars

The combined results of two recent papers illustrate how studies of Jupiter’s radio emissions can be transposed to stellar systems. Mauduit et al. [1] have developed a new method for detecting Jupiter radio bursts drifting in the time-frequency plane. Applied to high-resolution data from the Nançay Decameter Array, this method has led to the discovery of bursts linked to the Jovian aurora and others induced by the interaction of Ganymede with Jupiter. These bursts make it possible to study the acceleration of electrons near Jupiter. In parallel, using the FAST radio telescope, Zhang et al [2] have discovered analogous bursts emitted by the active star AD Leo, which can be interpreted by analogy with the results obtained on Jupiter.

The detection of radio bursts drifting in the time-frequency plane is a powerful means of studying remotely electron acceleration processes in astrophysical plasmas. It has been known for 50 years that such bursts are produced by the interaction between Jupiter and its satellite Io.

A new detection algorithm has made it possible to discover also, via the analysis of massive time-frequency data recorded by the Nançay Decameter Array, similar bursts originating from the Ganymede-Jupiter interaction and the Jovian polar aurora [1].

The acceleration of the electrons involves magnetic oscillations known as “Alfvén waves”. This potentially universal mechanism is fuelled by the motion of Io, Ganymede or the magnetospheric plasma through the rapidly rotating magnetic field of Jupiter.

In parallel, highly sensitive observations with the giant Chinese FAST radio telescope have revealed radio bursts from the active star AD Leonis [2]. Although the frequencies, intervals between bursts, intensities, direction and speed of drift in the time-frequency plane are different, the morphology, discrete, drifting, quasi-periodic character (and even the polarisation, which is strongly circular) of the stellar bursts are remarkably similar to those of Jupiter.

The experience acquired on Jupiter suggests that AD Leo has the same radio emission mechanism, fuelled by electrons of modest energy (≤ 20 keV), accelerated by Alfvén waves resulting from the interaction of the star with its massive plasma wind or with a planetary companion.

The figure illustrates and compares the radio bursts from Jupiter (b) recorded between 11 and 13.5 MHz by (a) the Nançay Decameter Array (NDA) with its high resolution receiver Juno-N, and the radio bursts from AD Leonis (e ) observed between 1290 and 1470 MHz by the giant Chinese radiotelescope FAST (d). Both types of bursts reveal a strong circular polarization, suggesting the same emission mechanism linked to the cyclotron (helical) motion of electrons in the magnetic field of the object. The difference in frequencies is explained by the amplitude of the magnetic field of AD Leo about 100 times greater than that of Jupiter, which also explains the much faster time-frequency drifts for AD Leo (500 to 900 MHz/s) than for Jupiter (-10 to -20 MHz/s), even if the electrons at the origin of the emissions have similar energies (a few keV). The positive drifts observed for AD Leo imply that these electrons are moving towards the star. The negative drifts observed for Jupiter indicate electrons magnetically reflecting and “going up” Jupiter’s magnetic field lines (yellow arrows in panels (c) & (f)). The radio fluxes detected for Jupiter (millions of Jansky) are much higher than those detected for AD Leo (<0.1 Jansky), due to the huge difference in distance between these objects and the Earth (5 Astronomical Units for Jupiter, 5 parsecs for AD Leo, with 1 parsec = 200000 AU), knowing that the flux decreases as the inverse of the square of the distance. But the intrinsic flux of the AD Leo bursts is actually 100 to 1000 times higher than that of the Jupiter bursts. The discrete and quasi-periodic character of the bursts suggests an acceleration of the electrons by Alfvén waves (magnetic oscillations). These two articles are a first example of how the mechanisms and physical scenarios developed for a solar system object can be extrapolated and transposed to more distant and inaccessible astrophysical sources.

Sources and copyrights

(a) Nançay Decameter Array (NDA, © ORN). (b) NDA/Juno-N observation provided by L. Lamy.

(c) Diagram adapted from Fig. 3 from Szalay et al., Geophys. Res. Lett. 49, e2022GL098111, 2022, https://doi.org/10.1029/2022GL098111.

(d) https://apod.nasa.gov/apod/image/1609/DaiFAST_1500.jpg. (e) Figure adapted from Fig. 1 of [2]. (f) Artist’s impression of a dwarf star (© ASTRON/Danielle Futselaar).

 

References :

[1] Emilie Mauduit, Philippe Zarka, Laurent Lamy, & Sébastien Hess, Drifting discrete Jovian radio bursts reveal acceleration processes related to Ganymede and the main aurora, Nature Communications, in press.

[2] Jiale Zhang, Hui Tian, Philippe Zarka, Corentin Louis, Hongpeng Lu, Dongyang Gao, Xiaohui Sun, Sijie Yu, Bin Chen, Xin Cheng, & Ke Wang, Fine structures of radio bursts from flare star AD Leo with FAST observations, The Astrophysical Journal, 953 :65, 2023. https://doi.org/10.3847/1538-4357/acdb77

 

Emilie Mauduit, Philippe Zarka, Laurent Lamy, Corentin Louis are members of LESIA.

 

Last update on 8 September 2023.